Chacun la veut tout seul, dans un combat à mort qui fait remonter du tréfonds des âges, la vieille jalousie bédouine. Nouakchott est cette dame aux couleurs du vent, la plus jeune capitale du Maghreb, que Rabat et Alger se disputent à couteaux tirés. Aujourd’hui qu’elle accepte de tendre une joue au Royaume du Maroc que le visage de l’Algérie s’empourpre. Comment satisfaire ces deux puissants voisins en leur imposant un ménage à trois ? C’est le grand dilemme de la diplomatie mauritanienne en ce début de l’année 2017 et ses grands défis.
«L’année 2017 sera-t-elle celle du grand Amour retrouvé entre la Mauritanie et le Maroc ?» C’est le titre qui apparaît dans plusieurs sites d’information, suite à la rencontre à Zouerate entre le président Mohamed Abdel Aziz, en vacances dans la région du Tiris-Zemmour, et le Premier ministre marocain, Ben Kirane, porteur d’un message du Roi Mohamed VI. La veille, les deux dirigeants s’étaient parlé au téléphone, mettant fin à une scène de ménage qui dure depuis plusieurs années. Il a fallu pour rallumer le feu de la passion, une bourde du leader du parti Istiqlal, Hamid Chabat, qui dans une sortie maladroite a failli mettre de l’huile dans le feu des relations déjà tendues entre les deux pays. En proclamant la marocanité de la Mauritanie, il a offert ainsi un beau prétexte à la diplomatie marocaine pour ressouder des liens distendus avec leur voisin du Sud et réaffirmer la souveraineté pleine et entière de la Mauritanie dans ses frontières, apportant un démenti officiel au discours expansionniste de Chabat.
Comme «à toute chose malheur est bon», le Maroc et la Mauritanie sont ainsi en passe de rétablir leurs relations, avec l’envoi d’un ambassadeur mauritanien au Maroc, après quatre années de gel des activités de la chancellerie à Rabat. Dans la foulée, il est même question de la reprise des travaux de la commission mixte mauritano-marocaine qui ne s’est pas réunie depuis 2013. Pourtant, lors de sa visite à Nouakchott en novembre 2014, le ministre des Affaires étrangères marocain, Salahdine Mezouar avait annoncé que des préparatifs étaient en cours pour la tenue de tels travaux. Mais ils n’auront jamais lieu.
Cerise sur le gâteau, il serait même question d’une visite éventuelle du Roi Mohamed VI à Nouakchott. Les observateurs soutiennent qu’une telle visite, si elle devait avoir lieu, ne pourrait survenir qu’avant le prochain Sommet de l’Union Africaine, prévue du 30 au 31 janvier 2017 à Addis-Abeba. L’occasion certainement pour le Maroc d’obtenir le soutien de la Mauritanie pour son retour au sein de l’organisation continentale, soutien qui lui a été refusé jusqu’ici par Nouakchott.
Cette bouffée d’oxygène qui vient revivifier l’axe Nouakchott-Rabat constitue cependant un véritable dilemme pour les autorités mauritaniennes qui viennent également de baliser l’axe Nouakchott-Alger avec la visite de haut niveau du Premier ministre Yahya Ould Hademine en Algérie et la signature de pas moins de seize accords de coopération et un tête-à-tête privilégié avec le président Abdelaziz Bouteflika.
Reprendre langue avec le Maroc et rétablir les relations entre les deux pays, supposerait de la part du gouvernement mauritanien, la levée de son embargo contre le retour de Rabat au sein de l’Union Africaine, synonyme de sortie de la République Arabe Sahraouie, donc brouille avec l’Algérie. Mais ce deal pourrait être alléchant si Nouakchott obtenait en retour de la part des autorités marocaines, l’extradition de tous les opposants radicaux qu’elles hébergent.
Revers de la médaille, la Mauritanie entrera indubitablement dans une autre guerre larvée avec l’Algérie, qui se sentirait trahi par un voisin avec lequel elle a scellé un pacte commun contre le Maroc.
Cheikh Aïdara