27ème sommet Afrique-France: le président Aziz regagne Nouakchott

sam, 14/01/2017 - 16:49
La «photo de famille» du XXVIIe sommet Afrique-France. © REUTERS/Luc Gnago

Après avoir pris part aux cotés des présidents malien, Ibrahim Boubacar Keita et français François Hollande et de plusieurs autres chefs d’Etats et de gouvernements aux travaux du sommet Afrique-France, ce samedi matin à Bamako au Mali, le Président de la République a regagné Nouakchott ce soir.

Après la cérémonie d’ouverture officielle marquée par les discours de M. IBK dont le pays accueille ce 27ème sommet, de François Hollande et du président tchadien et président en exercice de l'union africaine (UA), M. Driss Deby, le Président de la République a pris part à la séance traditionnelle du huis clos au cours de laquelle les dirigeants africains et le président français ont débattu des différents aspects de la coopération Afrique-France et des principales préoccupation des deux parties.

En marge du sommet, M. Mohamed Ould Abdel Aziz a eu des entretiens avec le président tchadien, président en exercice de l’UA comme il a reçu le premier ministre algérien Abdelmalek Sellal.

A signaler que ce 27ème sommet se tient sous le thème "du partenariat, de la paix et de l'émergence" et vise, d'une part, à évaluer les progrès réalisés quant aux recommandations du 26ème sommet organisé en 2013 en France et, d'autre part, de rechercher les voies et moyens appropriés pour impulser la coopération afin de faire face ensemble aux défis communs relatifs à la paix, à la sécurité et à l'émergence de l'Afrique.

MOMENTS FORTS DE LA CEREMONIE D’OUVERTURE

Dans son discours, Ibrahim Boubacar Keita, a souligné que ce sommet est le point de départ d'une nouvelle étape de la coopération entre l'Afrique et la France basée sur les intérêts mutuel et sur la lutte contre le terrorisme, la pauvreté et l'immigration clandestine.

François Hollande, a annoncé l'augmentation des investissements de son pays en Afrique à 23 milliards Euros, en plus de l'appui à la jeunesse africaine dans le domaine de l'innovation et des technologies nouvelles compte tenu des opportunités et perspectives d'avenir prometteuses du continent noir.
Il a, en outre, dit que de la sécurité de l'Afrique dépend celle de l'Europe et qu'il convient aux deux parties de faire face aux défis communs avec force et détermination.
Le président tchadien et président en exercice de l'union africaine (UA), M. Driss Deby, a souligné l'importance de la tenue de ce sommet à Bamako qui constitue un message de la solidarité de l'Afrique avec le Mali qui est passé par des moments difficiles.
Il a ajouté que le partenariat, la paix et l'émergence sont des questions qui concernent une vision d'avenir se fondant sur la réalisation de la paix à travers le développement dans un monde agité et inégalitaire.

 

UN SUCCES DE FREQUENTATION

Trente-cinq chefs d’Etat et de gouvernement étaient présents, vendredi 13 janvier au soir, pour le dîner officiel offert par le président malien Ibrahim Boubacar Keïta lors de ce sommet Afrique-France de Bamako. Un succès de fréquentation pour le dernier rendez-vous du président Hollande en terre africaine.

Il y a eu cependant quelques absents dont notamment, les présidents soudanais, ivoirien, béninois, ivoirien et camerounais en plus bien sûr de M. Yahya Jammeh, le président gambien sortant, qui a été désinvité depuis son refus de reconnaitre sa défaite à la présidentielle.

La course à la présidence de la commission de l’Union africaine qui aura lieu dans quelques jours aura poussé certains chefs d’Etats de venir à Bamako.

En juillet dernier, les chefs d’Etat n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur les trois candidats présentés pour prendre la succession de Nkosazana Dlamini-Zuma, d'Afrique du Sud. L’élection avait donc été reportée au tout prochain sommet de l’UA des 30 et 31 janvier à Addis-Abeba et la liste des candidatures avait été rouverte. Trois personnalités aux profils et parcours plus étoffés sont entrés en lice : l’ancien ministre et diplomate sénégalais, Abdoulaye Bathily, la ministre des Affaires étrangères kényane Amina Mohamed ainsi que son homologue tchadien Moussa Faki.

Tous trois sont présent ont multipliés contacts et interviews. Ils ont également des représentants qui battent campagne à coup de distribution de programme et même de clé USB. Et pour toucher le plus d’interlocuteurs possible, leurs parrains des trois candidats, les présidents tchadien, sénégalais et kényan sont venus avec des délégations renforcées, pas moins de 90 membres par exemple, côté kényan.

 

 

Les sommets France-Afrique servent-ils encore à quelque chose?

Par Tanguy Berthemet

Le 27e sommet Afrique-France s'ouvre ce vendredi à Bamako au Mali. Pour l'histoire et spécialistes des relations franco-africaine Jean-Pierre Bat, cet outil diplomatique montre bien que Paris assume sa relation spéciale avec l'Afrique.

Jean-Pierre Bat est historien, spécialiste des relations franco-africaines et auteur du Syndrome Foccart*.

LE FIGARO. - Commet sont nés les sommets France-Afrique?

Jean-Pierre BAT.- Le premier s'est tenu en novembre 1973, à l'initiative du président nigérien Hamani Diori. L'idée, assez partagée, est que la famille franco-africaine réunie sous De Gaulle et le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny n'est plus. De Gaulle est mort et les générations ont changé, et l'ADN politique du continent aussi. Il faut réinventer un cadre. Ce sera le legs de Pompidou, tout comme la francophonie d'ailleurs. Il s'agit aussi de contrebalancer l'Organisation de l'Union africaine naissante et les mouvements d'émancipation nationaux. Avec Giscard, puis avec Mitterrand, ce rendez-vous va monter dans le protocole. Cela devient un grand rendez-vous, un sommet diplomatique. C'est Giscard qui décide de l'organiser une fois sur deux en Afrique. On y met officiellement en place ensemble la politique sur le continent, même si en réalité, c'est essentiellement la France, le président gabonais Omar Bongo et Houphouët-Boigny qui décident. En 1979, c'est là, lors du 6e sommet, qui se tient à Kigali, qu'est décidée la chute de Bokassa. En d'autres termes, sans la volonté de chefs d'Etat africains qui veulent faire vivre la famille politique francophone, ces sommets n'ont pas de sens.

L'historien Jean-Pierre Bat.

Y a-t-il eu de grands sommets?

La grande bascule a lieu entre 1990 et 1994. Entre les deux, il y a celui de La Baule où Mitterrand lie l'aide à la démocratisation. En 1990, le sommet a évolué vers la transition des relations, une normalisation autour du développement. Mais en 1994, c'est le retour vers des priorités sécuritaires et Mitterrand insiste sur ce point dans son discours. En tous les cas, ces grand-messes franco-africaines fonctionnent comme un credo de la politique africaine des chefs d'Etats francophones.

L'ouverture de ce rendez-vous à des pays anglophones est-elle purement symbolique?

C'est avant tout par intérêts économiques et c'est sans doute sincère. Mais les sommets restent essentiellement francophones et sécuritaires. Les anglophones demeurent à la marge. On le voit bien avec le choix d'organiser cette année un sommet à Bamako, au Mali, un pays en guerre. On n'a d'ailleurs jamais pensé monter un sommet à Addis-Abeba ou à Kampala. Il avait été question du Caire un temps, mais l'Egypte est considérée dans une certaine mesure comme appartenant à l'espace francophone. En réalité, les efforts ont beaucoup plus porté vers les anciennes colonies belges, le Rwanda, le Burundi et surtout la République démocratique du Congo pour tenter de les ancrer dans l'influence française.

Ces sommets ne sont-ils pas quelque peu surannés?

C'est la bonne question. Si vous gardez cet outil diplomatique, c'est que vous restez avec la famille franco-africaine, que vous assumez une relation spéciale entre la France et l'Afrique. Par là, la France dit que c'est une relation plus efficace que celles avec l'Afrique du Sud ou l'Ethiopie. En 2013, le sommet avait changé de nom, pour devenir «sommet pour la paix et la sécurité en Afrique», mais nous sommes revenus cette année à Afrique-France.

Quant à savoir si ça sert, c'est aujourd'hui une question, compte tenu de l'intérêt relatif autour du sommet de Bamako. Pour que cela serve, il faut des partenaires politiques à la France. Sous De Gaulle et Giscard, ils avaient pour noms Félix Houphouët-Boigny et Omar Bongo. Sous Mitterrand aussi, avec peu à peu des nouveaux visages. Sous Chirac, c'étaient Bongo, le général Eyadéma, du Togo, et le Burkinabè Blaise Compaoré, ainsi que le Congolais Denis Sassou-NGuesso.

Quel chef d'Etat africain cherche aujourd'hui à endosser cet habit? Du reste, à l'heure où la France s'interrogeait dans les années 2000 sur la nécessité de ces grand-messes rituelles, la Chine a créé le sommet Chine-Afrique en 2006... ce qui a paradoxalement et par réaction revitalisé les arguments en faveur d'un sommet spécifiquement francophone aux yeux de certains dirigeants, en les réorientant vers les enjeux du développement économique face à la concurrence chinoise. Force est de constater que, bon an mal an, les sommets Afrique-France existent toujours.