FRAPPES AMERICAINES SUR UNE BASE AERIENNE DE L’ARMEE SYRIENNE

ven, 07/04/2017 - 09:29

 

( Les Echos.fr) - En ordonnant des frappes sur une base aérienne en Syrie, deux jours après l'attaque chimique contre la ville de Khan Cheikhoune , Donald Trump a franchi une étape. Juste avant l'opération, Moscou avait prévenu Washington de l'impact "négatif" de frappes américaines en Syrie.

 

"Nous devons penser aux conséquences négatives (...) et toute la responsabilité, si des actions militaires avaient lieu, devrait reposer sur les épaules de ceux qui ont lancé des entreprises si tragiques et incertaines", avait ainsi déclaré l'émissaire russe aux Nations unies, Vladimir Safronkov, interrogé sur la possibilité de telles frappes.

La télévision d'Etat syrienne a qualifié d'"agression" les frappes américaines. En face, l'opposition de la Coalition nationale syrienne (CNS) a salué l'initiative des Etats-Unis et espère que les opérations continuent pour mettre fin aux frappes du régime et à "l'utilisation d'armes prohibées internationalement".

"Assad porte l'entière responsabilité de ce développement. Son recours continu aux armes chimiques et aux crimes de masse ne peut en effet rester impuni", ont de leur côté estimé Angela Merkel et François Hollande. "C'est ce que la France avait demandé à l'été 2013 au lendemain de l'attaque chimique de la Ghouta." Le président Français a d'ailleurs annoncé qu'il réunira un Conseil de défense à l'Elysée à 19h. Selon lui, la "réponse" américaine "doit être poursuivie au niveau international".

L'Iran et la Russie condamnent

Vladimir Poutine a réagi vivement à la décision de Trump. Il estime que ces frappes constituent une infraction au droit international. Il s'agit selon lui d'une "agression contre une nation souveraine" en se servant "d'un prétexte fallacieux", a rapporté son porte-parole, Dmitri Peskov.

La Russie a immédiatement demandé une réunion en urgence du Conseil de sécurité de l'ONU. Le chef de la Commission de défense de la chambre haute du parlement russe estime que ces frappes "pourraient affaiblir les efforts pour combattre le terrorisme en Syrie". Selon lui, cette attaque "pourrait être vu[e] comme un acte d'agression des Etats-Unis contre un pays de l'Onu."

Syrie : ce que l'on sait du bombardement américain

Principal allié du régime syrien, la Russie prévient également que ces frappes causent un "préjudice considérable" aux relations entre Moscou et Washington. "Cette action de Washington cause un préjudice considérable aux relations russo-américaines, qui sont déjà dans un état lamentable", a ajouté le porte-parole, cité par les agences de presse russes.

Le pays a joint les paroles aux actes en annonçant peu après la suspension de l'accord avec Washington qui visait à empêcher des incidents entre avions des deux pays en Syrie.

L'Iran, l'autre grand allié de Bachar Al-Assad, "condamne fermement toutes frappes unilatérales de cette nature. De telles mesures vont renforcer le terrorisme en Syrie et vont compliquer la situation en Syrie et dans la région", a indiqué un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères.

Israël et l'Arabie Saoudite soutiennent "totalement"

Parmi les premiers pays à réagir, Israël a déclaré "soutenir totalement" l'initiative américaine, la qualifiant de "message fort". De même pour l'opposition syrienne, qui a dit espérer que les opérations continuent pour mettre fin aux frappes du régime et à "l'utilisation d'armes prohibées internationalement", a annoncé un porte-parole de la Coalition nationale syrienne.

L'Arabie saoudite a elle aussi annoncé qu'elle "soutenait totalement" les frappes américaines, saluant la "décision courageuse" du président Donald Trump.

Pour la Turquie, Assad doit être puni

Dans un entretien sur la chaîne Fox TV turque, le vice-Premier ministre turc Numan Kurtulmus a affirmé que la communauté internationale doit exprimer sa position face à la "barbarie" du régime syrien et que ces frappes sont une bonne chose. Le gouvernement de Bachar al Assad doit être puni sur la scène internationale, a-t-il ajouté.

Le ministre turc des Affaires étrangères a quant à lui appelé à un départ immédiat de Bachar al Assad. "S'il ne veut pas partir, s'il n'y a pas de gouvernement de transition et s'il continue de commettre des crimes contre l'humanité, les mesures nécessaires pour le chasser devront être prises", a-t-il insisté.

"Pour éviter la reproduction de ce type de massacres", comme l'attaque chimique présumée, Ankara a appelé à la création d'une zone d'exclusion aérienne en Syrie, a déclaré le porte-parole du président Erdogan.

Ces frappes sont un "avertissement", déclare Ayrault

De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a dit avoir été "informé par Rex Tillerson [le secrétaire d'Etat américain, NDLR] dans la nuit", Washington souhaitant se "coordonner" avec ses alliés.

Sans s'avancer sur la position de la France sur le sujet, le ministre a déclaré que ces frappes constituaient un "avertissement" et une forme de "condamnation" du "régime criminel" de Bachar al Assad. L'usage des armes chimiques est une "terrible réalité" et ça doit être puni car c'est un "crime de guerre", a-t-il ajouté.

La France n'est pas partie belligérante en Syrie, a-t-il souligné, ajoutant qu'elle était seulement membre de la coalition de lutte contre l'Etat islamique.

Une "réponse appropriée", estime la Grande-Bretagne

La Grande-Bretagne a également choisi son camp et soutient "totalement" l'initiative américaine. Ces frappes constituent une "réponse appropriée à l'attaque barbare à l'arme chimique lancée par le régime syrien", a déclaré le porte-parole du 10 Downing Street.

Pour Berlin, ces frappes de représailles sont "compréhensibles", a indiqué le chef de la diplomatie allemande. "Il était à peine supportable de devoir regarder comment le Conseil de sécurité de l'ONU s'est montré incapable de réagir de manière claire à l'utilisation barbare d'armes chimiques. Que les Etats-Unis réagissent en attaquant les structures militaires du régime (de Bachar al-Assad) qui a commis ce crime de guerre, est compréhensible", a jugé le ministre Sigmar Gabriel dans un communiqué.

Toutefois, pour l'Allemagne, il est "aussi décisif d'arriver à des efforts de paix communs sous l'égide de l'Onu", a ajouté le chef de la diplomatie allemande tout en déplorant l'incapacité du Conseil de sécurité à adopter une résolution après l'attaque chimique présumée qui a fait au moins 86 morts dont 27 enfants.

En effet, sur la Syrie, la communauté internationale se trouve actuellement dans une impasse , la Russie continuant systématiquement d'opposer son veto aux résolutions du Conseil de sécurité de l'Onu. Cette semaine, alors que les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni avait proposé un premier projet de résolution après l'attaque chimique, celui-ci a été jugé "inacceptable" par la Russie.

Le Japon et la Chine condamnent les armes chimiques

"Le gouvernement japonais soutient la détermination du gouvernement américain à ne jamais tolérer la prolifération d'armes chimiques", a déclaré de son côté à la presse le Premier ministre Shinzo Abe, jugeant que l'action américaine avait "eu pour but d'éviter une aggravation de la situation".

La Chine a appelé à "éviter toute nouvelle détérioration de la situation" en Syrie, tout en condamnant "l'usage d'armes chimiques, par n'importe quel pays".