EMISSION : LES ÉCHOS DU SAHARA… ENTRETIEN AVEC LE COLONEL Mohamed Lemin OULD TALEB , ANCIEN ATTACHÉ MILITAIRE DE LA MAURITANIE AUX USA, décembre 26th, 2020 animé par Haroun Ould Rabani. 2ème Partie

lun, 28/12/2020 - 23:58

D’une part, il fonde sa légitimité sur la volonté d’autonomie du peuple sahraoui et, d’autre part, sur les différentes résolutions des Nations Unies relatives à l’organisation, sous son égide d’un référendum libre et équitable au Sahara Occidental et d’en proclamer les résultats.
C’est donc à cette ambivalence que nous faisons face aujourd’hui.

- Mais mon colonel ,vu l’évolution du droit international, qui aujourd’hui régit les rapports entre les nations et d’ailleurs est le recours des communautés et différentes entités en cas de litiges, ne peut-on pas dire tout simplement que les prétentions et revendications historiques marocaines sont complètement balayées par la légalité internationale au respect de laquelle tous les pays ont souscris, le Maroc y compris.

Le droit international n’est en fait applicable que dans le cadre des traités qui engagent la responsabilité des pays qui les ratifient sur une question donnée. Et dans le cas du Sahara , il n’y pas un consensus de la communauté internationale sur son appartenance à l’un ou l’autre camp. Il est vrai que différentes résolutions de l’ONU optent pour une solution concertée.

- D’accord, c’est votre point de vue, il est clair. Mon colonel vous aviez lors d’un précédent entretien dit que la reprise, appelons ça cela, des hostilités de type guerriers, n’aura d’effet que dans la durée et pour cause ce “mur de protection miné” érigé par les marocains dont le franchissement par les troupes sahraouies nécessite un lourd armement(artillerie, arme du génie, raids aériens ..etc) et de rudes combats. Donc à votre sens s’installera une certaine guerre d’usure. Vous aviez bien démontré cela. Cette thèse se confirme de plus en plus. En effet après plus d’un mois de combat nous n’avons pas encore eu d’échos de résultats probants sur le terrain. En tout cas aucun des belligérants n’a encore fait des déclarations avoir gagné une bataille décisive ou avoir fait des avancées sur le terrain. Peut-on donc, mon colonel, penser que les marocains sont installés dans une défensive confortable ?

La reprise des hostilités ouvre certes ,des perspectives nouvelles qui dépendront de l’intensité des affrontements. Tant que les actions de l’armée saharouie resteront au niveau des actions de guérilla classique, l’équilibre existant risque de perdurer.
Si, par contre elles s’intensifient et deviennent plus agressives et plus offensives avec la recherche des objectifs d’acquisition de nouveaux territoires et leur préservation en perforant les murs défensifs marocains, on se retrouvera face à une nouvelle tournure des évènements qui, certainement amènera à une réadaptation des dispositifs et des réponses appropriées de part et d’autre.

- Justement mon colonel , qu’est-ce que vous sous-entendez par changement de tactique ? Que l’armée saharouie fasse recours à des actions menées en profondeur sur des objectifs sensibles types opérations commandos pour déstabiliser l’ennemi? Est-ce envisageable ?

Bien que cela est probable, il est difficile d’envisager que de telles opérations, exemples raid ou débarquement sur objectif en profondeur au-delà du mur, puissent être menées à l’insu du système de surveillance marocain. Et dans le cas échéant le risque d’une action offensive marocaine de plus grande envergure visant à sécuriser tout le territoire en repoussant les murs de protection jusqu’à la frontière mauritanienne, ne serait pas à exclure, ce qui évidemment, créera une situation nouvelle qui bouleversera toutes les données sécuritaires de la sous-région.

- Et pourtant bon nombre des saharouis vivant dans les territoires occupés font allégeance aux idéaux du front Polisario et l’ont déjà démontré dans plusieurs intifadas. Leurs jeunesses peuvent être facilement embrigadées pour mener des actions de sabotage et de destruction sur des objectifs précis à l’intérieur du Maroc. Oui ou non?

Oui, évidemment au sein de cette jeunesse fougueuse il y en aura certes, de potentiels partants pour ce type de mission. Mais ceci n’est pas tout, il faudrait en plus organiser, entraîner, équiper ce qui serait pratiquement inimaginable à réaliser sans que les services marocains l’apprennent.

- Donc on comprend, selon vos informations, sans vouloir faire un état comparatif des deux armées, que l’armée marocaine se contentera de garder l’acquis avec 80% du territoire saharoui protègé par son mur infranchissable(je dirais entre guillemets). Peut-on ainsi affirmer la suprématie de l’armée marocaine sur celle de la RASD?

En fait la suprématie des forces marocaines sur les territoires qu’elles sécurisent est incontestable.Maintenant je pense que si le Front Polisario a décidé de reprendre les hostilités c’est qu’il juge avoir mis à profit cette vingtaine d’années de cessez-le feu, pour disposer des moyens lui permettant de bien négocier cette nouvelle tournure des événements.

- Mon colonel la brèche d’Elgargaratt est réouverte, le trafic routier entre la Mauritanie et le Maroc a repris. Est-il possible pour les combattants de la RASD de mener des opérations militaires sur cette partie si proche de nos frontières et si cela se produit qu’elle serait la réaction des autorités mauritaniennes attendue ?

En ce qui concerne la Mauritanie, en principe, elle continuera à gardé sa neutralité vis-à-vis des deux belligérants. Une implication de la Mauritanie dans le conflit n’est certainement pas envisageable, sauf cas d’un bouleversement radical de l’équilibre stratégique et tactique prévalant, c’est-à-dire un changement majeur, qui lui imposera de se ranger du côté de l’un des belligérants, ce qui, à mon avis est extrêmement improbable.

- Sur d’autres plans nous avons constaté depuis fin novembre, dans la foulée, d’intenses activités diplomatiques menées par le Maroc et qualifiées d’ailleurs par beaucoup d’observateurs de réussite dans le dossier du Sahara. Des pays du Golfe se sont empressés d’implanter des consulats à Dakhla, ElAïoun et autres. A cela est venue s’ajouter la brusquerie de Trump qui reconnait sans préavis la marocanité du Sahara bafouant ainsi le droit international. Le président américain, malgré sa façon très contestée de faire a néanmoins accordé un soutien de taille de plus au profit des marocains sur ce conflit. Cette évolution dans ce dossier n’augure pas d’une issue politique possible ou au contraire, la donne se complique davantage et que ni le Polisario ni l’Algérie n’accepteraient un compris quelconque en faveur du Maroc ?      A suivre...